Un Québec vert via la CAQ : le doute est permis…

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Monsieur Rebello veut participer à rendre le Québec vert en se joignant à la Coalition pour l’avenir du Québec (CAQ) de monsieur François Legault.  On a beau chercher dans le plan d’action de ce nouveau parti politique, mais rien, absolument rien, ne laisse croire que ces nouveaux gestionnaires responsables ont une quelconque sensibilité verte.

En effet, dans son document intitulé «Agir pour l’avenir» qui devra constituer le «cœur» de son programme politique, la CAQ propose vingt (20) actions «pour s’attaquer aux principaux défis auxquels tout le Québec est confronté».  Aucune concerne le développement durable, l’environnement ou l’économie verte bien que la préoccupation du développement durable ait été soi-disant entendue lors des consultations menées par la CAQ auprès des Québécoises et des Québécois (page 2 du plan d’action).  L’absorption de l’ADQ, qui n’a jamais été un fervent défenseur de ces thèmes (d’ailleurs, ils sont absents des 6 dossiers prioritaires du site web du parti que l’on vient d’absorber), est révélatrice à ce sujet.

Au moins suivre les recommandations de l’OCDE

    Sans tomber dans le débat de la croissance versus la décroissance pour nous affranchir d’une dette écologique sans cesse grandissante (débat nécessaire soit dit en passant), on se doit de constater que ces nouveaux gestionnaires responsables n’osent même pas s’aligner sur les recommandations d’une politique économique verte proposée par un organisme relativement conservateur tel l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).  Des recommandations que l’on retrouve, entre autres, dans trois (3) de ses documents officiels: «Cadre d’action de l’OCDE pour des politiques de l’environnement efficaces et efficientes» (2008), «Vers une croissance verte» (2011) et «Outils pour la mise en place d’une croissance verte» (2011).

L’OCDE reconnaît dans son document de 2008 que «beaucoup de problèmes environnementaux prennent de l’ampleur.  Bon nombre d’entre eux sont urgents et en grande partie irréversibles, ce qui suppose que l’inaction a un coût élevé» (page 3).  C’est pourquoi l’organisme réclame une cohérence dans les politiques en suggérant l’intégration des politiques économiques et environnementales dans les différents secteurs d’activités (transport, agriculture, énergie, etc.) afin qu’elles soient efficaces et efficientes dans le domaine de l’environnement.  Du cadre d’action suggéré qui doit s’adapter aux différentes situations nationales en fonction des forces et des faiblesses des divers outils proposés, on conseille notamment la mise en place:

  • De taxes liées à l’environnement et de permis négociables alloués aux pollueurs/utilisateurs de ressources pour que l’on utilise de manière plus efficiente les ressources naturelles et que l’on rende la pollution plus coûteuse pour inciter à modifier les comportements des consommateurs et des producteurs.  Ceci dans le contexte d’une réforme plus globale de la fiscalité pour éviter d’alourdir le fardeau fiscal des contribuables par le biais, par exemple, d’une baisse de l’impôt sur le revenu;
  • De politiques de soutien aux technologies vertes contrebalancées par la suppression de subventions qui encouragent des pratiques économiques nocives sur l’environnement comme la pollution et la surexploitation des ressources;
  • D’instruments non économiques que sont la réglementation et les normes à respecter.  Ces dernières complètent les mesures fondées sur les prix, car c’est la combinaison de différents outils qui assurera l’efficacité d’une politique économique verte.

Prendre des vessies pour des lanternes

Tout est absent du plan d’action de la CAQ.  Présentement, à la lecture des «vingt actions pour agir sur l’avenir» proposées par les caquistes, rien n’indique une quelconque volonté de bâtir un Québec vert.  Dire autrement, c’est encore une fois vouloir utiliser les thèmes de l’environnement et du développement durable pour faire du verdissement d’image à des fins électoralistes comme ont l’habitude de le faire les vieux partis politiques.

Pour ces nouveaux gestionnaires responsables, il est regrettable de constater qu’ils ne veulent pas gérer notre habitat ou notre maison (sens étymologique du mot économie) en fonction des connaissances que l’on accumule de plus en plus sur le fonctionnement des systèmes naturels complexes qui le composent (sens étymologique du mot écologie). Pourtant, c’est à cette condition, gérer en fonction de ce que l’on sait afin d’effectuer une bonne gestion de notre maison, que de nouveaux gestionnaires pourront alors se prétendre «responsables».

Se doter d’un ambitieux plan national pour réduire nos gaz à effet de serre (GES)

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La partie du haut de la figure 1 montre les variations de la température de la Terre au cours des 10 000 dernières années. La section qui touche les 1 000 dernières années est agrandie en bas de la figure pour montrer la hausse dramatique de cette température depuis la fin du XXe siècle.

Températures depuis la dernière glaciation

Figure 1. Voir note 1, plus bas, pour la source. Cliquez sur l'image pour une meilleure lecture.

Nous pourrions supposer que cette hausse est avant tout occasionnée par des causes naturelles.  Mais la figure 2, provenant d’un rapport du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, voir note 2) montre, à l’aide de modélisations, que la hausse est causée par le facteur humain.  Les bandes bleues représentent ce que la nature aurait fait seule.  Les bandes rosées représentent ce que la nature et les facteurs humains (ce que le GIEC appelle «anthropiques») auraient fait ensemble.  On voit que ce sont les facteurs humains, selon ces modélisations, qui causent la hausse brutale de la température.  Il faut donc réduire ce que l’on appelle nos émissions de gaz à effet de serre (GES) qui réchauffent le climat.

Forçages naturels et anthropiques (humains)

Figure 2. Du rapport 2007 du GIEC. Cliquez sur l'image pour une meilleure lecture.

PAS PLUS QUE 2 DEGRÉS CELSIUS DE HAUSSE

Il existe un large consensus auprès de la communauté scientifique comme quoi une hausse de 2°C constitue la limite maximum que l’on doit tolérer, augmentation au-delà de laquelle un risque de basculement dangereux risque de survenir entraînant des changements climatiques rapides et imprévisibles.  Dans le cas canadien, même cette hausse de 2°C risque d’être trop élevée.  Dans les latitudes plus nordiques comme les nôtres, l’élévation de la température pourrait être supérieure de 40% à la moyenne de l’hémisphère.  Donc, il s’agit vraiment du maximum que l’on peut accepter.

Plusieurs pays industrialisés ont déjà accepté de viser les cibles de réduction suivantes: une réduction des émissions de GES de 25% à 30% entre 1990 et 2020 et une réduction totale des émissions de GES de 85% à 90% entre 1990 et 2050. Ce sont des cibles que l’on retrouve notamment dans le Plan Climat français (2004) [3] et qui sont suggérées par le Conseil de l’Union Européenne [4] ainsi que par l’État de la Californie (cible légèrement différente de 80% pour 2050).  Pourquoi pas le Canada?  Mais, à cette fin, un cadre général se doit d’être établi, une structure et une stratégie à l’échelle nationale devant être mises en place pour assurer le succès des mesures.

UNE RÉFORME GLOBALE DE LA FISCALITÉ

Une vaste réforme globale de la fiscalité devrait être entreprise.  Une réforme neutre, c’est-à-dire que son objectif ne serait pas de prélever davantage d’argent des citoyennes et citoyens du pays, mais de réaménager les sources de revenus du gouvernement fédéral pour encourager ce qui n’est pas nuisible à l’environnement et décourager ce qui est néfaste, notamment les émissions de gaz à effet de serre.  L’impôt sur le revenu pourrait être réduit alors qu’une taxe progressive sur le carbone de 50$ par tonne d’équivalent de CO2 pourrait être instituée.  Elle constituerait un incitatif économique efficace pour réduire la consommation de pétrole notamment.  Le Canada rejoindrait alors la douzaine de pays européens à le faire.  L’histoire des chocs pétroliers nous prouve, hors de tout doute, l’efficacité de l’incitatif économique pour réduire la consommation de combustibles fossiles.  De plus, contrairement à la hausse du prix du pétrole qui profite à des intérêts étrangers, la taxe canadienne sur le carbone demeurerait au pays pour financer de nouvelles actions environnementales dont le recyclage des travailleurs qui seraient touchés par la transformation de notre économie.

UN PARTENARIAT PROVINCIAL-FÉDÉRAL

Les gouvernements provinciaux ont beaucoup plus d’emprise sur les secteurs d’activités qui influencent les émissions de gaz à effet de serre que le gouvernement fédéral: la gestion des ressources naturelles; la production, le transport et la distribution d’énergie; le transport routier; la gestion des lieux d’enfouissement; l’agriculture; les municipalités et l’aménagement du territoire; les codes de la construction des bâtiments. Il faut, en conséquence, que le plan national s’assure d’un partenariat solide entre les deux paliers de gouvernement.

DES CONDITIONS À RESPECTER POUR OBTENIR DES CONTRATS DU FÉDÉRAL

Pour toutes les provinces, les institutions et les entreprises qui transigent d’une quelconque façon avec le gouvernement fédéral ou ses organismes affiliés, des clauses conditionnelles au respect des plafonds d’émissions de GES devraient être imposées pour obtenir un financement ou un contrat du gouvernement fédéral.

La semaine prochaine: quelles pourraient être certaines solutions de réduction de gaz à effet de serre par secteur d’activités au pays?

Notes

[1] WEISSENBERGER, Sebastian. – L’Histoire de la découverte de l’existence des changements climatiques. Page 9 – Issu du module 1 du cours ENV 1110 du programme de certificat en sciences de l’environnement de la TELUQ (année 2009).

[2] Ce groupe d’experts a été créé en novembre 1988 à la demande des 7 pays les plus industrialisés de la planète du temps (l’ancien G7 devenu aujourd’hui le G20) et il est appuyé par deux organismes de l’ONU: l’organisation météorologique mondiale (OMM) et le programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE).  Soulignons que le GIEC a obtenu le Prix Nobel de la paix en 2007 (conjointement avec l’ancien vice-président américain Al Gore).

GIEC, 2007 : Bilan 2007 des changements climatiques. Contribution des Groupes de travail I, II et III au quatrième Rapport d’évaluation du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat [Équipe de rédaction principale, Pachauri, R.K. et Reisinger, A. (publié sous la direction de~)]. GIEC, Genève, Suisse. Page 6. Cliquez ce lien.

[3] Ministère de l’Écologie et du Développement durable.  Plan Climat 2004: Face au changement climatique, agissons ensemble. 88 pages.

[4] Jean-Claude Juncker dresse le bilan des résultats du Conseil européen des 22 et 23 mars 2005 devant le Parlement européen. Cliquez ce lien.

Le Canada et les changements climatiques: se complaire dans la médiocrité

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Le Protocole de Kyoto a été signé en 1997 et le Canada l’a ratifié en 2002.  Le Canada devait, pour la période 2008-2012, réduire ses émissions de gaz à effet de serre (GES) de 6% par rapport à l’année de référence de 1990, soit passer de 592 mégatonnes d’équivalent de CO2 (Mt éq. CO2) à environ 550 Mt éq. CO2.  Par la suite, les baisses devaient devenir encore plus ambitieuses à l’échelle de la planète.  Or, en 2008, le Canada a émis pour environ 734 Mt éq. CO2 [1], dépassant de 24 % l’année de référence (1990) et de 33% la cible qu’il devait atteindre. Bilan honteux et bien triste.

De l’ensemble des pays du G8, le Canada gagne la palme du pire élève [1].

Émissions de GES des pays du G8

Par habitant, il est également le pire avec les États-Unis.

Émissions de GES des pays du G8 par personne

Cliquez sur les images pour une meilleure lecture

Pour expliquer cette situation accablante, il faut voir la série de plans d’actions canadiens, sans tonus ni efficacité, qui ont été lancés les uns à la suite des autres: le Plan vert pour un environnement sain en 1991 de Lucien Bouchard; le Projet de société en 1992 de Jean Charest; le Plan d’action 2000 de David Anderson; le Plan du Canada sur les changements climatiques en 2002 du même ministre; le plan de Stéphane Dion en 2005; le plan du gouvernement Harper de 2007.  Une suite de plans inefficaces sans conviction politique.

Tandis que bon nombre de pays européens ont pris le leadership et que le Canada doit donner l’exemple à cause de,  notamment, l’Arctique qui constitue l’une de ses importantes régions, le pays demeure l’un des cancres de la scène internationale.  Rappelons que les pays scandinaves avaient déjà instauré une taxe sur le carbone dès le début de la décennie 1990 (Finlande en 1990, Suède en 1991 et Danemark en 1993) et que l’Union européenne a mis en place en 2005 un système d’échange de crédits de CO2.  Il faut que le Canada effectue un virage à 180°, qu’il retrouve ses lettres de noblesse et qu’il prenne le leadership pour atténuer cette problématique planétaire.

Des causes humaines sont à l’origine de la hausse des émissions de GES qui occasionne actuellement le changement climatique qui s’aggravera si rien n’est fait.  Nous devons alors agir sur deux fronts: atténuer, voire éliminer ces causes par des mesures de mitigation et mettre en place des actions pour s’adapter aux conséquences du changement climatique.

En Amérique du Nord, nous avons le privilège et la très grande chance d’être moins vulnérables parce que nous possédons une plus grande capacité d’adaptation, via notre richesse, en comparaison aux autres sociétés du monde.  Malgré tout, si rien n’est fait, nous serons confrontés à de graves problématiques:

  • des communautés autochtones au Nord encore plus affaiblies par l’exacerbation des problèmes environnementaux de la région arctique;
  • de plus aiguës sécheresses dans les prairies canadiennes;
  • la baisse du niveau d’eau des Grands Lacs et la diminution du débit du fleuve St-Laurent en découlant (un billet a été là-dessus la semaine dernière);
  • l’érosion des côtes et la détérioration des infrastructures qui y sont installées;
  • la hausse des réclamations en assurance;
  • l’augmentation des allocations publiques de secours;
  • l’aggravation de la pollution de l’air et des agressions de chaleur;
  • la migration rapide des écosystèmes entraînant les déplacements d’espèces et l’instabilité des écosystèmes;
  • la croissance des événements météorologiques extrêmes;
  • la perte de la biodiversité et plus encore.

Bref, ce n’est pas rien.  Selon l’étude de Sir Nicholas Stern, que l’on ne peut accuser d’être un écologiste de gauche (il est un économiste britannique, ancien vice-président principal de la Banque mondiale de 2000 à 2003), le coût global des mesures d’adaptation au changement climatique pourrait atteindre de 5% à 20% du PNB mondial.  C’est pourquoi on doit investir dès maintenant des sommes d’argent pour mettre en place des mesures d’atténuation et d’adaptation afin d’éviter le pire.  Ce dont nous traiterons au cours des deux prochaines semaines.

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NOTES

[1] Voir ce lien d’Environnement Canada: www.ec.gc.ca/indicateurs-indicators/default.asp?lang=fr&n=BFB1B398-1

SOURCES

FONDATION DAVID SUZUKI et PEMBINA INSTITUTE (2005).  «Réduire radicalement les gaz à effet de serre: les responsabilités du Canada pour prévenir les changements climatiques». 56 pages.

GOUVERNEMENT DU CANADA (2007).  «Agir face aux changements climatiques et à la pollution atmosphérique».  12 pages.

GOUVERNEMENT DU CANADA (2007).  «Prendre le virage : Le plan du Canada visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre et la pollution atmosphérique».

GOUVERNEMENT DU QUÉBEC (2008).  «Le Québec et les changements climatiques: un défi pour l’avenir – Plan d’action 2006-2012».  Mise à jour juin 2008.  48 pages.

GREENPEACE (2009).  «Révolution énergétique: les énergies renouvelables au Canada – Propositions pour l’avenir».  12 pages.

HORNUNG, Robert (1998).  «Solutions canadiennes: mesures pratiques et abordables pour lutter contre le changement climatique».  Fondation David Suzuki et Pembina Institute.  102 pages.

MARSHALL, Dale (2005).  «Un bilan disparate: la lutte contre les changements climatiques, province par province».  Fondation David Suzuki.  52 pages.

PARTI LIBÉRAL DU CANADA (2008).  «Le tournant vert: bâtir l’économie canadienne du XXIe siècle».  52 pages.

PARTI VERT DU CANADA (2006).  «Plan vert du Parti vert».  22 pages.

TORRIE, Ralph (année de publication inconnue).  «Kyoto et au-delà: la voie des faibles émissions vers l’innovation et l’efficience».  Fondation David Suzuki et ResACC Canada.  16 pages.

Notre fleuve et notre économie risquent de faire les frais des changements climatiques

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Je ne me lasserai jamais de mentionner qu’il n’y a rien de plus économique que l’environnement.  On sait que le réchauffement planétaire est actuellement le problème environnemental le plus médiatisé.  Le CO2 est, à cause de sa quantité émise, le principal responsable de l’accentuation du phénomène.  Sa concentration dans l’atmosphère s’accroît de 0,5% par année de telle sorte qu’il a maintenant atteint une concentration de 389 ppm [1] alors qu’elle était à peine de 280 ppm à la fin du 18e siècle.

Les effets des changements climatiques varieront d’une région à l’autre.  Or, pour le bassin versant des Grands Lacs-Saint-Laurent, il est possible que l’on assiste à une augmentation de la température de 4,5 degrés Celsius d’ici 2055 [2].  Bien que cette variation de la température sera davantage sentie en hiver qu’en été, les canicules (épisodes de faibles précipitations et de forte évaporation) seront encore davantage fréquentes et longues.  Cette élévation de la température occasionnera une hausse du taux d’évaporation et une perte d’humidité des sols.  Une réduction du ruissellement des eaux s’ensuivra occasionnant une baisse du niveau de l’eau des Grands Lacs de 0,5 mètre à 1,0 m.  Ces lacs étant en amont du fleuve, notre majestueux fleuve risque d’avoir un débit diminué de 20%.

CONSÉQUENCES ÉCONOMIQUES ET SANITAIRES POUR MONTRÉAL ET QUÉBEC

Ces impacts d’une baisse du niveau de l’eau du fleuve seront importants tant sur l’environnement, sur l’économie que sur la société québécoise.  Les effets sur l’environnement sont systémiques et montrent que tout a une influence sur tout.

  • Le port de Montréal sera affecté par la baisse du niveau d’eau du fleuve.  Déjà, à certaines occasions, des bateaux laissent une partie de leur cargaison au port de Québec parce que le fleuve n’est plus assez profond pour les conduire jusqu’au port de Montréal. À certaines périodes, une baisse de 1 cm du niveau de l’eau du fleuve oblige les bateaux à diminuer leur chargement de 60 tonnes de vrac [3].  On prévoit une hausse des coûts du transport maritime de 15 à 30%.  100 millions de tonnes de marchandises sont transportées par bateau sur le fleuve dont 20 millions sont manutentionnées au port de Montréal [4]. Il est le troisième port de conteneurs en importance de l’est de l’Amérique du Nord et il est une importante fenêtre du Québec sur le monde.
  • La navigation commerciale et de plaisance sera fortement affectée.  Des portions du fleuve ne seront plus navigables.
  • La ville de Québec risque de vivre un potentiel problème avec son eau potable.  Le niveau des océans montera et celui du fleuve baissera.  Conséquence?  L’eau salée pénétrera plus à l’ouest dans le fleuve pouvant occasionner des problèmes d’alimentation en eau potable pour la communauté urbaine de Québec [5].
  • L’écosystème du Lac Saint-Pierre qui, en plus d’être une réserve de la biosphère de l’UNESCO, est également la plus importante héronnière en Amérique du Nord, sera fragilisé.

DES CHICANES POLITIQUES À PRÉVOIR

De nouvelles considérations politiques seront à prévoir également.  La situation du fleuve au Québec dépendra, encore davantage, de décisions qui seront prises ailleurs. Soulignons le barrage Moses-Saunders à Cornwall qui régularise le niveau d’eau du lac Ontario et qui, donc déjà, influe sur le débit du fleuve Saint-Laurent.  Si on veut maintenir le niveau d’eau du lac Ontario, que voudra-t-on faire et quelles seront les conséquences pour le fleuve?  Les décisions s’y rapportant prendront alors toute leur importance.

Également la Commission mixte internationale qui est un organisme américano-canadien formé en vertu du Traité des eaux limitrophes Canada-USA ratifié en 1909 et qui a pour mandat de prévenir et de résoudre de potentiels conflits entre les deux pays relativement à l’utilisation et à la qualité des eaux bordant les deux pays. Le Québec s’y fera-t-il bien entendre?

QUE FAIRE?

Ce problème est complexe et révélateur de l’impossibilité d’une stricte indépendance des pays sur la planète.  Que les Canadiens et les Québécois deviennent les apôtres du développement durable au cours des prochains mois, cela ne suffira pas à transformer de manière importante la situation car le changement climatique est un problème global. Cependant, nous devrions nous assurer de respecter deux éléments: montrer que nous sommes exemplaires dans cette lutte contre les émissions de gaz à effet de serre et travailler pour avoir des finances publiques saines et solides car nous aurons plusieurs mesures d’adaptation et de mitigation à mettre en branle pour amoindrir le choc.  Ce choc et bien d’autres provenant de plusieurs problématiques environnementales à venir.

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[1] http://co2now.org
[2] Environnement Canada. – Le Saint-Laurent et le réchauffement climatique. – http://www.ec.gc.ca/stl/default.asp?lang=Fr&n=4BF0EF0C-1
[3] Transports Québec. – Niveaux d’eau du Saint-Laurent. –
http://www.mtq.gouv.qc.ca/portal/page/portal/ministere/ministere/environnement/changements_climatiques/adapter_transports_impacts_changements_climatiques/niveaux_eau_saint-laurent
[4] Site web du Port de Montréal: http://www.port-montreal.com/documents/fr_15_1.pdf
[5] NORMANDIN, Pierre-André. – L’état des Grands Lacs préoccupe Labeaume dans Le Soleil – 15 décembre 2009.
http://www.cyberpresse.ca/le-soleil/actualites/environnement/200912/14/01-931050-letat-des-grands-lacs-preoccupe-labeaume.php

Autre source:

D’Arcy, Bibeault et Raffa. – Changements climatiques et transport maritime sur le Saint-Laurent: étude exploratoire d’options d’adaptation. – Réalisé pour le Comité de concertation navigation du Plan d’action Saint-Laurent. – 2005. – 139 pages.
http://www.ec.gc.ca/Publications/8F345098-650B-45F0-BB9C-C956112A321B%5C2005_Etude_expl_options_adaptation_f.pdf

Les 2 photos proviennent de Bonjour Québec, le site touristique officiel du gouvernement du Québec.

S’enrichir collectivement en investissant dans le transport en commun

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Bouchon de circulation

Les bouchons de circulation coûtent chers (cliquez sur l'image pour un article sur Cyberpresse)

En collaboration avec SECOR, la Chambre de commerce du Montréal métropolitain a réalisé une étude sur la valeur économique du transport en commun dans la région métropolitaine de Montréal qui compte 5 régions administratives du Québec: Lanaudière, Laurentides, Laval, Montérégie et Montréal (cliquez ce lien pour obtenir l’étude).  Les chiffres sont éloquents: tout le monde, usagers et non usagers du transport en commun, bénéficieraient d’un investissement massif dans ce type de transport.  Voici les principaux chiffres de cette étude qui montre qu’il est possible de proposer d’importants projets économiques verts.

LA RÉGION MÉTROPOLITAINE DE MONTRÉAL
Cette grande région représente environ 46% de la population québécoise.  On y trouve également 46% des emplois et 49% de l’activité économique du Québec.  Chaque jour, 8 millions de déplacements s’y font dont 2 millions lors de l’heure de pointe du matin.  Durant la journée, 19% des déplacements sont effectués en transport en commun alors que 23% des 2 millions de déplacements du matin le sont avec ce type de transport. Or, la mauvaise fluidité de la circulation coûte très chère à l’ensemble des citoyennes et citoyens du Québec.  Si on ne fait rien, la situation va s’aggraver.  De 2006 à 2031, on prévoit une croissance démographique de la grande région métropolitaine de 750 000 personnes.  Cette croissance proviendra beaucoup des zones périphériques de Montréal, ce qui exigera davantage de mobilité et occasionnera encore un plus grand nombre de déplacements quotidiens.

LES BÉNÉFICES D’UN TRANSPORT EN COMMUN ATTRACTIF ET EFFICACE
Si nous avions un transport en commun attractif et efficace, qu’est-ce que ça pourrait signifier point de vue économique pour le Québec?  L’étude y va de chiffres qui parlent d’eux-mêmes: diminution des coûts économiques de la  congestion routière, augmentation des retombées économiques au Québec, diminution des accidents de la route, diminution de la pollution,  augmentation de la valeur foncière des immeubles environnants les lieux de transport en commun, augmentation de la sécurité et de la santé publique.  Voyons quelques-uns de ces chiffres.

DIMINUTION DES COÛTS ÉCONOMIQUES DE LA CONGESTION ROUTIÈRE
Le coût global annuel de la congestion routière est estimée à 1,4 milliard de dollars (1,4G$) dans la région métropolitaine de Montréal, soit l’équivalent de 1% du PIB de Montréal en pure perte. On y compte le retard des camions de marchandises, le gaspillage du temps des travailleurs, la perte économique considérable d’une société moins productive parce qu’emprisonnée à faire du surplace.  L’étude évalue que si la part de déplacements en transport en commun pouvait augmenter de 3%, la diminution des coûts de la congestion routière serait de 63,8M$ par année.

AMÉLIORATION DE LA BALANCE COMMERCIALE DU QUÉBEC
Au Québec, on ne produit pas de pétrole ni d’automobiles.  Conséquemment, 15 milliards de dollars (15G$) sortent annuellement du Québec pour l’étranger afin d’acheter ces produits alors que le Québec est producteur et exportateur d’équipement de transport en commun (pensons à Bombardier et à Novabus).

Les 10 premiers produits d'importation du Québec

Page 24 de l'étude de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain (cliquez sur l'image pour une meilleure lecture)

C’est donc dire que si nous réussissons à diminuer ce 15G$, la différence sera une somme qui pourra être consacrée à l’achat de produits et services davantage locaux.  L’étude montre que le transport en commun a un impact sur l’économie québécoise 3 fois supérieur à celui du transport privé.  10M$ dépensés en transport en commun n’a pas les mêmes retombées économiques que 10M$ dépensés pour le transport privé. Il est 3 fois plus avantageux dans le premier cas que dans le second.

POUVOIR D’ACHAT ACCRU DES MÉNAGES ET INJECTION D’ARGENT DANS L’ÉCONOMIE QUÉBÉCOISE
Pour un ménage, le transport en commun est 3 fois moins coûteux que le transport privé automobile.  En effet, le coût moyen d’utilisation individuel du transport en commun est de 0,16$ du kilomètre (km) dans la grande région métropolitaine.  Ce coût est de 0,47$ du km pour celles et ceux qui possèdent une voiture qu’ils utilisent régulièrement.  Si on enlève les coûts fixes de la voiture pour évaluer les frais variables, le coût moyen d’utilisation d’une voiture pour 1 kilomètre est de 0,23$/km.  En d’autres termes, un usager du transport en commun paye, toujours en moyenne, 0,16$/km pour ses déplacements; le propriétaire d’une voiture paye 0,47$/km; et le propriétaire d’une voiture qui laisse son véhicule chez lui pour prendre le transport en commun paye 0,23$/km.  Le transport en commun permet à l’ensemble des ménages qui l’utilisent d’avoir 800M$ de plus dans leur bourse, cette somme pouvant être affectée à d’autres dépenses personnelles ayant des impacts économiques de 20% supérieurs à ceux des dépenses liées au transport privé.

LES ORGANISMES DE TRANSPORT EN COMMUN INJECTENT MASSIVEMENT DE L’ARGENT DANS L’ÉCONOMIE QUÉBÉCOISE
Pour payer leurs frais d’exploitation du transport, leurs frais d’entretien des véhicules et d’installations ainsi que leurs achats de produits et services, les organismes de transport en commun des 5 régions administratives injectent 1,8G$ dans l’économie québécoise.

DIMINUTION DU COÛT ÉCONOMIQUE DES ACCIDENTS DE LA ROUTE
En 2009, les accidents de la route dans la grande région a coûté à la société québécoise 1,38G$ (406M$ en valeur de production perdue, 209M$ en indemnisation et coûts de santé remboursés par la SAAQ, 764M$ en réparation des dommages matériels).  On estime que le transport en commun occasionne 10 fois moins de coûts d’accidents que le transport automobile.

ET BIEN D’AUTRES AVANTAGES…
À ces avantages économiques, ajoutons la valorisation foncière des immeubles près des sites de transport en commun et la diminution des coûts liés à la pollution atmosphérique qui a une incidence importante sur la santé et la qualité de l’environnement (les émissions polluantes sont 3,6 fois moins importantes et les émissions de CO2 sont 2 fois moins importantes en transport en commun qu’en transport automobile).   À ce sujet d’ailleurs, on peut consulter le rapport de la Direction de santé publique de Montréal qui prouve, chiffres à l’appui, que le transport est aussi une question de santé (cliquez ce lien pour le rapport du DSP).

Voilà un projet économique qui devrait être rassembleur et intéresser aussi bien les utilisateurs que les non utilisateurs du transport en commun.

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Chambre de commerce du Montréal métropolitain – Le transport en commun: au coeur du développement économique de Montréal (une étude de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain réalisée en collaboration avec SECOR) – Novembre 2010. – Pour y accéder, ce lien.

Direction de santé publique (Agence de la Santé et des Services sociaux de Montréal). – Le transport urbain, une question de santé (rapport annuel 2006 sur la santé de la population montréalaise). – 132 pages. – Pour y accéder, ce lien.

Geler le Plan Nord et préparer un Plan Sud

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Plan NordEn mars 2011, le rapport du commissaire au développement durable du Québec soulignait que les principes de la Loi sur le développement durable (loi adoptée unanimement par les députés de l’Assemblée nationale en avril 2006) n’étaient pas convenablement respectés par le gouvernement.  On pouvait y lire qu’ils étaient «encore trop souvent ignorés par l’administration publique ou appliqués trop partiellement» [1]. Le Plan Nord que le gouvernement annonce à grands frais respecte-t-il davantage les principes de cette loi?  On peut en douter.

LE PLAN NORD, C’EST QUOI?
Si on se fie à la publicité gouvernementale, il s’agit d’un vaste plan de développement au nord du 49e parallèle (72% du territoire québécois regroupant moins de 2% de la population du Québec) ayant pour objectif d’exploiter le  potentiel minier, le potentiel énergétique, ainsi que la richesse de la faune, de la flore et des ressources halieutiques. On croit qu’au cours des 25 prochaines années, 80 milliards de dollars seront investis dans ce vaste projet.  Pour que ce développement économique puisse se réaliser, le gouvernement consacrera des sommes pour développer des réseaux de transport et de télécommunications. Enfin, le gouvernement promet de protéger une superficie de 50% de ce territoire pour des fins autres qu’industrielles.

QUELS SONT LES PRINCIPES QU’ENFREINDRAIT LE PLAN NORD?
Ce vaste programme ne respecte pas l’esprit de la loi qui a pourtant été votée à l’unanimité en avril 2006.  En guise d’exemple, 4 principes:

Respect de la capacité de support des écosystèmes – Une gouvernance ordonnée exige que l’on détermine avant l’exploration, pas après, ce que doit être ce 50% de superficie à protéger.  On sait que le Grand Nord englobe des écosystèmes parmi les plus fragiles de la planète.  Or le gouvernement se donne toute la latitude voulue pour choisir, au cours des prochaines années, ce qu’il voudra bien protéger en donnant préséance à l’exploration.

Efficacité économique – Quelle contribution économique peut apporter le Plan Nord aux citoyennes et citoyens du Québec?  Le Mouvement Desjardins a effectué une analyse à ce sujet.  Cette étude économique réalisée par l’économiste Joëlle Noreau laisse craindre que le régime minier du Québec ne soit pas assez généreux envers les contribuables et trop envers l’industrie minière [2].  Le gouvernement se devra d’investir 2,1 milliards de dollars au cours des 5 prochaines années pour des infrastructures (routes, aéroports, services publics) dans le Nord.  Mais l’étude souligne que Québec ne retirera que 1,4 milliard de dollars en redevances pour l’ensemble du secteur minier de la province au cours de cette période. Or, selon Desjardins, le gouvernement pourrait réclamer davantage de redevances lesquelles sont de 16% sur le profit des entreprises.  C’est donc dire que les ressources naturelles, qui appartiennent aux Québécoises et aux Québécois, sont payées uniquement si l’entreprise qui les exploite réalise des profits.  Il n’y a pas beaucoup de secteurs économiques où les fournisseurs sont payés par leurs clients uniquement si ces derniers sont profitables… assez spécial comme régime.  D’où la raison pour laquelle plusieurs personnes exigent que le système de redevances soit basé sur la valeur brute du minerai extrait du sous-sol.

Internalisation des coûts – La Loi sur le développement durable explique que la «valeur des biens et des services doit refléter l’ensemble des coûts qu’ils occasionnent à la société durant tout leur cycle de vie, de leur conception jusqu’à leur consommation et leur disposition finale».  Qui paiera en bonne partie pour les infrastructures permettant à l’industrie de faire des affaires?  Les citoyennes et les citoyens du Québec.  Les entreprises privées vont profiter pleinement du soutien de l’État pour la réalisation des infrastructures manquantes.  Sans mentionner les subventions, les crédits d’impôt et les programmes d’aide auxquels ces entreprises auront droit.  Ces coûts externes ne seront pas internalisés par les entreprises alors qu’elles seront aux premières loges pour profiter des services.

Équité intergénérationnelle (du principe «Équité et solidarité sociales») – Ce qui sera beaucoup exploité dans le Grand Nord sera des ressources naturelles non renouvelables.  Non renouvelables.  Que laisserons-nous aux générations qui vont nous suivre?  De la façon dont nous les gérons, pas grand-chose.  On est loin de la Norvège qui a, depuis 40 ans, un modèle intéressant.  Ce pays scandinave exploite du pétrole et du gaz naturel, d’autres ressources naturelles non renouvelables.  Mais ce pays investit les sommes de l’exploitation que récolte le gouvernement dans un fonds spécial.  Le pays ne touche pas au capital investi et n’utilise que les revenus de placement provenant du fonds. De sorte que, maintenant, le capital accumulé est d’environ 400 milliards de dollars, qu’il constitue le deuxième fonds d’investissement le plus élevé au monde et qu’il génère des revenus de placement de 16 milliards de dollars par année [3]. Et les prochaines générations continueront d’en profiter pleinement.

UN PLAN SUD…

Au sud de la province, les infrastructures s’effritent et parfois même s’effondrent.  La mobilité des gens est dans un état pitoyable.  Ne pourrait-on pas se donner un projet économique ambitieux? Un investissement massif dans le transport en commun comme proposé par la Chambre de commerce du Montréal métropolitain [4] que l’on ne peut accuser d’être écolo de gauche…

Il s’agira du sujet du prochain billet.

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[1] Rapport du Vérificateur général du Québec à l’Assemblée nationale pour l’année 2010-2011 – Rapport du commissaire au développement durable – Faits saillants . Page 3. Cliquez sur le lien pour accéder au rapport en ligne.

[2] SHIELDS, Alexandre – Le Plan Nord loin de l’eldorado: les retombées ne changeront pas considérablement la donne du point de vue des finances publiques, selon Desjardins – Le Devoir du 4 août 2011. Cliquez sur le lien pour accéder à l’article.

[3] MOUSSEAU, Normand – La révolution des gaz de schiste. – Éditions MultiMondes, 2010. – Page 106.

[4] Chambre de commerce du Montréal métropolitain – Le transport en commun: au coeur du développement économique de Montréal (une étude de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain réalisée en collaboration avec SECOR) – Novembre 2010. Cliquez sur le lien pour accéder au rapport en ligne.

Notre système électoral déforme, trahit même, la volonté du peuple

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L’élément qui m’aura le plus étonné lors des dernières élections fédérales du 2 mai 2011 aura été de ne pas entendre un seul commentateur des grands médias expliquer que le Bloc québécois a été, avant tout, victime du mode de scrutin. Beaucoup de Québécois l’ont délaissé, oui, mais ce parti aura surtout été victime du système électoral. Ce billet ne servira pas à prendre la défense du Bloc et je n’ai pas voté pour ce parti. Ce billet servira uniquement à prendre la défense de notre démocratie durement malmenée avec notre actuel mode de scrutin, tant sur la scène fédérale que sur la scène provinciale.

UN MIROIR DÉFORMANT LA RÉALITÉ
La Chambre des communes du Canada et l’Assemblée nationale du Québec ne sont pas les reflets de la diversité des opinions que l’on retrouve dans les sociétés que ces parlements prétendent représenter. Les modes de scrutin, semblables sur les 2 scènes politiques, ne permettent pas une concordance entre le pourcentage des voix obtenues par les partis politiques et le pourcentage des députés qui y siègent.

Plus bas, un graphique valant 1 000 mots. Il indique, malgré le fait que plus de 23% des électeurs du Québec (presque le quart) aient voté pour le Bloc québécois, ce parti n’a fait élire que 5,3% des députés du Québec à la Chambre des communes. En 2011, il s’agit d’un parti politique fortement sous-représenté. Tout le contraire du NPD qui profite d’une très forte sur-représentation en ayant obtenu 42,9% des suffrages, mais 78,7% de la députation du Québec. Pire, le Bloc québécois a obtenu plus de voix que le Parti libéral et le Parti conservateur au Québec, mais détient moins de sièges qu’eux!

LE BLOC QUÉBÉCOIS EST PASSÉ D’UNE BAISSE À UNE CHUTE DRAMATIQUE À CAUSE DU SYSTÈME ÉLECTORAL
Entre les élections de 2008 et celles de 2011, le Bloc a perdu 14,7% de la faveur populaire. Ce qui est important. Mais d’importante, le mode de scrutin a fait de cette baisse du Bloc une chute dramatique. Pourquoi? Parce que le Bloc québécois avait su profiter au cours des 6 élections précédentes (depuis sa création en 1991) d’une très forte sur-représentation. À l’exception des élections de 2000, le BQ a toujours connu une sur-représentation de plus de 20% à la Chambre des communes. De ces sur-représentations constantes, il vit maintenant une sous-représentation importante de presque 20%. Donc, dans l’imaginaire des gens, la baisse du Bloc n’a pas été 14,7% (soit de 38,1% des voix obtenues en 2008 à 23,4% lors des élections de 2011), mais une descente aux enfers de 60% (soit 65,3% des députés du Québec en 2008 à 5,3% lors des élections de 2011).

UN SYSTÈME À JETER AUX POUBELLES CAR IL AUTORISE L’INÉGALITÉ DES VOTES
Au Québec, plus souvent qu’autrement, les gouvernements sont sur-représentés et dominent l’Assemblée nationale face à des partis d’opposition sous-représentés. De plus, en 1998, 1966 et 1944, le parti qui a fini 2e dans le vote populaire a pu terminer premier en terme de députés et former le gouvernement.

Imaginons si nous avions interprété les résultats du référendum de 1995 de la même façon que nous le faisons pour des élections: le OUI aurait gagné 80 circonscriptions électorales et le NON 45 circonscriptions. Le OUI gagnant même si une majorité d’électeurs a voté en faveur du NON? Personne n’aurait accepté une attitude aussi antidémocratique. Pourtant c’est ce que l’on fait pour chacune des élections au provincial et au fédéral.

ET LE DÉVELOPPEMENT DURABLE DANS TOUT ÇA?
Le développement durable est une conception relativement récente qui cherche à assurer un développement harmonieux embrassant aussi bien l’économie, le social et l’environnement. Il s’agit d’une idée en progression dans notre société, ralentie parce que les partis politiques la prônant et les citoyennes et les citoyens appuyant ces derniers voient leur entrée aux parlements bloquée par le système électoral.

Nos modes de scrutin ne permettent pas une représentation fidèle aux parlements des courants en progression au sein de notre société. Ce qui explique en bonne partie, contrairement à des pays d’Europe qui ont connu des gouvernements nationaux de coalition impliquant des verts (Allemagne et Irlande), la difficile avancée de l’écologie politique au Québec et au Canada. Et nous prenons du retard.  En attendant, nous acceptons des gouvernements majoritaires qui décident de tout même si au fédéral 60% des électeurs n’ont pas voté en sa faveur (le Parti conservateur de S. Harper a obtenu 39,6% des suffrages au Canada) et au provincial 58% des électeurs n’ont pas voté en sa faveur (le Parti libéral de J. Charest a obtenu 42% des suffrages au Québec en 2008).

La semaine prochaine, on aborde le Plan Nord du gouvernement du Québec.

Renouveler notre vieille démocratie pour redonner pouvoir et confiance au peuple

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Assemblée nationale du Québec

Assemblée nationale du Québec

Au cours des dernières semaines, nous avons entendu des députés proposer certaines réformes à nos institutions démocratiques. Pierre Curzi, Bernard Drainville [1] et, dernièrement, Sylvain Pagé [2] ont fait un certain nombre de propositions pour réparer la cassure entre les députés de l’Assemblée nationale et le peuple québécois. Déjà, en mai 2010, le quotidien La Presse relatait un sondage démontrant, une fois de plus, que les citoyennes et les citoyens du Québec avaient littéralement perdu confiance dans la classe politique. La journaliste Katia Gagnon écrivait que, cyniques envers leurs élu(e)s, les gens étaient «découragés, rebutés, désabusés» [3].

IL Y A 8 ANS, DES QUÉBÉCOIS VOULAIENT CLAIREMENT DES CHANGEMENTS

Nous oublions qu’en 2003, environ 1000 citoyennes et citoyens des 17 régions du Québec s’étaient réunis lors des États généraux sur la réforme des institutions démocratiques. Au début des années 2000, des mouvements s’étaient constitués pour exiger, notamment, une réforme du mode de scrutin au Québec (soulignons le Mouvement Démocratie Nouvelle [MDN] et le Collectif Féminisme et Démocratie [CFD]). Devant cette volonté citoyenne exigeant une réforme démocratique importante, le ministre responsable de la Réforme des institutions démocratiques de l’époque, Jean-Pierre Charbonneau, avait alors décidé de tenir ce grand rassemblement au début de l’année 2003. Claude Béland, ancien président du Mouvement Desjardins (1987-2000), avait présidé le comité directeur de ces États généraux.

Lors de cette fin de semaine, les 1000 personnes rassemblées avaient clairement indiqué qu’elles voulaient réformer plusieurs des institutions démocratiques du Québec. Certaines propositions de réforme avaient été rejetées alors que d’autres avaient été fortement appuyées.  En bref, voici les propositions acceptées lors de cette consultation (cliquez pour obtenir le résumé des résultats complets en 4 pages ou le Rapport du Comité directeur sur la réforme des institutions démocratiques [format PDF]):

  • 90% des participantes et des participants étaient en faveur d’une réforme du mode de scrutin;

  • 82% en faveur d’élections à date fixe;

  • 82% en faveur d’une constitution québécoise [4];

  • 80% en faveur d’une loi sur l’initiative populaire (pour que des lois émanent directement du peuple afin de ne pas attendre la bonne volonté des députés – avec une telle loi, peut-être aurions-nous eu l’enquête publique sur l’industrie de la construction au Québec constamment rejetée par le gouvernement);

  • 74% en faveur de mesures incitatives facilitant l’accès des femmes aux institutions politiques québécoises et;

  • 65% en faveur de mesures incitatives facilitant l’accès des communautés ethnoculturelles à ces mêmes institutions.

Suite à ce rassemblement, un autre organisme citoyen a vu le jour: le Mouvement Démocratie et Citoyenneté du Québec (MDCQ) présidé par Claude Béland.  Et, quelques mois plus tard, devant l’immobilisme de la classe politique pour réformer le mode de scrutin, l’Association pour la Revendication des Droits Démocratiques (ARDD) s’est créée afin de prendre la voie judiciaire avec comme objectif d’invalider le mode de scrutin en vigueur (nous y reviendrons la semaine prochaine en élaborant davantage sur la réforme du mode de scrutin). 

DES RÉFORMES DEVENUES MAINTENANT ENCORE PLUS URGENTES?

Les résultats des États généraux seraient-ils les mêmes aujourd’hui qu’en 2003? Est-ce que ces réformes permettraient d’améliorer la situation? Difficile de croire que non. Il y a de plus en plus rupture de dialogue entre les citoyens et leurs représentants. La méfiance est solidement installée. Les citoyennes et les citoyens du Québec ont la ferme impression qu’il y a un manque flagrant d’intégrité dans la classe politique. Ils croient que les institutions démocratiques dont ils sont les propriétaires, et les seuls propriétaires, sont bien davantage au service des partis politiques et des carriéristes qu’à leur service (un ancien sous-ministre de René Lévesque et architecte des États généraux de 2003, André Larocque, parle même d’«usurpation des partis politiques» [5]). Encore plus, certains citoyens proposent même de carrément sortir les partis politiques de l’Assemblée nationale du Québec (voir le «Projet Papineau» proposé par Roméo Bouchard).

Chose certaine, si on ne fait rien, on s’expose à un cercle vicieux aux conséquences importantes: celles et ceux qui s’abstiennent de participer au processus politique risquent d’être négligés dans les décisions et risquent également de laisser toute la place aux profiteurs. On sait que le taux de participation aux élections est à la baisse.  Il faut y voir.

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[1] ROBITAILLE, Antoine. – Les démissionnaires raffolent du «rapport Drainville»: le PQ a besoin de redevenir le parti du peuple, sinon «il va mourir», croit le député péquiste. – Le Devoir du 26 août 2011. Cliquez ce lien.

[2] BERTRAND, Brigitte. – Lutte au cynisme: Sylvain Pagé présente son manifeste pour une nouvelle culture politique. – Point de vue Mont-Tremblant publié le 9 Septembre 2011. Cliquez ce lien.

[3] GAGNON, Katia. – Les électeurs du Québec sont découragés, rebutés, désabusés. – La Presse du 7 mai 2010. – Sondage réalisé par la firme Angus Reid pour le compte de La Presse. Cliquez ce lien.

[4] À distinguer du débat entre la souveraineté et le fédéralisme. Une constitution est un contrat social entre citoyennes et citoyens partageant des valeurs. Le Québec peut avoir sa propre constitution tout en demeurant dans la fédération canadienne. Soulignons que des États américains ont leur propre constitution et des cantons suisses ont également la leur.  Bien d’autres États fédérés ont aussi leur propre constitution tout en faisant partie d’un plus grand ensemble politique. Nous y reviendrons dans le cadre d’autres billets.

[5] LAROCQUE, André. – Au pouvoir, citoyens! Mettre fin à l’usurpation des partis politiques. – Éditions BLG. – 2006. – 93 pages.

Débattre d’une nouvelle gouvernance pour un développement durable

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Le Québec vu de l'espace

Le Québec vu de l'espace (source: NASA)

Écrire que les crises écologiques présentes et à venir ne sont géniales ni pour nous ni pour les générations qui nous suivent ne constitue pas une révélation: réchauffement climatique et augmentation des événements météorologiques extrêmes, dégradation dramatique de la condition des océans, perte de la biodiversité (de 40 à 100 espèces disparaissent quotidiennement de la planète selon certains chiffres scientifiques [1]) et j’en passe. Nous gérons les ressources en ignorant volontairement les limites des écosystèmes. C’est pourquoi les constats scientifiques sont accablants et que les lumières rouges clignotent de toutes parts.

À ces problématiques auxquelles est confronté le Québec, qu’il le veuille ou non, s’ajoutent nos propres problèmes de société: piètre état de nos infrastructures en transport (incluant le collectif), dangereux état de notre endettement public (certains le trouvent critique, d’autres moins, la question sera à éventuellement débattre sur ce blogue), dépendance abusive envers l’énergie fossile sale (des milliards de dollars qui sortent du Québec sans retombées économiques significatives pour nous), faible taux d’alphabétisation dans certains milieux moins favorisés (en plus du drame humain derrière cette situation, rien pour aider à cette économie du savoir créatrice de richesse), démocratie déficiente tant aux niveaux national et régional (faut-il encore rappeler que c’est presque toujours une minorité, souvent autour de 40% de l’électorat, qui décide du gouvernement) et j’en passe là également.

On explique à la citoyenne et au citoyen de bonne foi qu’ils se trouvent devant un dilemme. Certains prétendent que pour faire face aux situations économiques difficiles, on doit ignorer les balises écologiques essentielles. D’autres mentionnent que pour répondre aux problématiques écologiques préoccupantes, on doit refuser nombre de projets économiques mal ficelés d’un point de vue environnemental. Les citoyennes et les citoyens, entre les deux, sont ballottés d’un côté et de l’autre, parfois victimes des plus démagogues. On se pose alors la question: est-il vraiment possible de se doter d’une nouvelle gouvernance pour s’assurer d’un développement durable pouvant prendre sérieusement en considération les volets écologique, économique et social des projets?

Ça ne peut plus durer

Pour assurer notre plein développement, la sagesse élémentaire exige que l’on gère de manière responsable l’ensemble de nos ressources humaines, naturelles, financières et matérielles en fonction de la capacité de support des écosystèmes de la planète. Ceci doit nous amener à réfléchir, collectivement, à une nouvelle gouvernance. Il faut que les citoyennes et les citoyens du Québec décident de nouvelles règles à attribuer à des institutions renouvelées et à leurs représentants pour que ces derniers puissent conduire, avec l’implication citoyenne, à une gestion différente des ressources.

C’est donc à titre de citoyen que je vous propose, très humblement, ce nouveau blogue sur la gouvernance et le développement durable au Québec. Débattre, imaginer et choisir une nouvelle gouvernance, citoyenne et responsable, pour nous mettre sur le chemin d’un développement durable.

Participation citoyenne

Ce blogue, très politique mais non partisan (toutes les personnes de tous les horizons politiques sont encouragées à y participer), ne constituera qu’un prétexte, qu’une bonne raison pour vous donner la parole. Plusieurs ne voudront que lire les billets et les commentaires. D’autres voudront participer, écrire et commenter. Et d’autres encore voudront suggérer et proposer. Libre à vous. Ce blogue est à vous. Je m’en tiendrai à respecter certaines normes de rédaction pour les billets et les commentaires. Il s’agit d’un premier pas bien modeste pour que, démocratiquement, nous puissions commencer à nous mettre en marche sur le chemin d’un développement devant harmoniser, du mieux que l’on peut, environnement, économie et société.

Il faut tirer avantage du savoir, des connaissances, des expériences, des sentiments et des impressions des citoyennes et des citoyens du Québec qui constituent nos ressources les plus importantes et les plus valables pour trouver les solutions aux problèmes que nous vivons. Tout sera sur la table. Il n’y aura pas d’absolu. Ouvrons grand les portes pour faire entrer l’air afin d’éviter que ça devienne irrespirable.

Ce billet est le premier et le blogue, mince pour commencer, progressera au rythme des mois. La publication des billets sera hebdomadaire (le mardi vers 21:00). Déjà, je vous annonce que, la semaine prochaine, j’écrirai au sujet d’un chantier de grandes réformes démocratiques qu’il faut entreprendre au Québec… mon dada… mais, n’ayez crainte, le volet économique du développement durable constituera un aspect extrêmement important de ce blogue.

Au plaisir!!!

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[1] COURCHAMP, Franck (écologue, directeur de recherche au Centre national de la recherche scientifique en France). – L’Écologie pour les nuls. – Éditions First, 2009. – Page 153.